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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Carnet de voyage Deux semaines à Port-au-Prince - Par Sergo Alexis (1/3)

Publié par siel sur 28 Août 2018, 16:16pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES

Carnet de voyage Deux semaines à Port-au-Prince  - Par Sergo Alexis  (1/3)

 

 

Je n’avais pas pour projet de partir pour Haïti, ce 10 juin 2018. Encore moins de faire un récit de ce voyage que j'avais prévu de faire entre octobre et novembre de cette année. Après avoir terminé une longue séquence de quatre mois et demi d’activités professionnelles plutôt intenses et fructueuses, mon projet était de consacrer mon temps libre à l'écriture et à faire des travaux manuels chez moi.  Mais voici que brusquement, on m’annonce la mort, suite à une crise cardiaque,  de Ti Son, un cousin germain. Ainsi j'ai pensé faire d’une pierre deux coups en avançant mon voyage. Mais finalement, c’est trois coups d’une pierre puisque j’ai appris un certain nombre de choses que j'ai plaisir à partager avec vous.

Il ne s’agit pas d’une analyse théorique ou critique de la réalité haïtienne, mais de la description de faits vécus et de paroles entendues durant mon séjour. Il appartiendra à chacun de se faire une idée du contenu de la monographie.

 

Préparatifs de départ

 

Le plus important, en dehors du calcul du budget nécessaire au séjour, était l'achat  de cadeaux dont,  du matériel de classe  pour 35 enfants âgés de quatre à huit ans.  Je pensais à ma jeune cousine, Madame Johanne, qui dirige des classes maternelles et préparatoires d’une école dans le quartier populaire de Clercine, qui m’avait dit, quelque temps avant, que les enfants manquaient du matériel de dessins. Je songeais aussi à ma petite cousine MA, infirmière, lauréate de sa promotion dans une école privée de sciences infirmières,- comme on dit en Haïti -, à qui j’avais promis un beau cadeau ; je pensais à un dictionnaire Larousse  médical. Chez Gibert, une des plus grandes librairies spécialisée dans la vente de livres d'occasion, j'en ai trouvé un dans un excellent état. Il y avait aussi les jeux de cartes  à acheter pour des amis de Pétion-Ville. Ces cadres d’un certain âge, appartenant à la classe moyenne : médecins, ingénieurs, avocats, notaires, etc., travaillant exclusivement dans le privé, se réunissent régulièrement pour faire des parties de bésigue chez Ed. Bien que ce soit dans ce lieu que j’ai fait la connaissance d’Ertha Trouillot, l’ancienne présidente provisoire d’Haïti, en 1990 – la politique y est un sujet tabou. On n'en parle jamais ou alors, très rarement. D’ailleurs, mon ami FC avant de m'introduire dans ce cercle d'amis, m'avait mis en garde : pas de discussions politiques.  Et, il ne me semble pas qu'aucun de ces copains ait déjà voté même une seule fois dans leur vie.

Le 9 juin, veille de mon départ, mes trois valises et mon sac à dos sont prêts. Et moi aussi paré pour ce séjour au bercail durant lequel  j'avais décidé d’éviter toute conversation politique aux endroits à risque. Je m’étais fixé comme ligne de conduite de me tenir  loin des débats de l’opposition politique à M. Jovenel Moise. Au cours de ce mois de juin, il y avait beaucoup de manifestations contre le régime en place. Avec toutes mes publications engagées, et souvent provocatrices, sur les réseaux sociaux, je redoutais un peu les représailles au contrôle de passeport. Mais j’étais décidé à affronter toutes les éventualités. Finalement, je me suis rendu  compte, qu’avec toutes les contestations venant de tous les côtés, je ne représentais  pas même une goutte d’eau dans cette océan d’opposants.

 

 

D’Orly à l’aéroport Toussaint Louverture

L’argent, la corruption, le pouvoir et le harcèlement

 

A l’aéroport d’Orly, j’ai rencontré J.F, un ancien copain des années 1990, le père d’un enfant d’une de mes cousines qui vit en région parisienne. Ce J.F possède un hôtel plutôt confortable dans la région de Delmas. La majorité de sa clientèle est composée d’Haïtiens vivant à l’étranger. Il m’explique qu’il est candidat à la députation, sous la bannière du PHTK, aux élections législatives qui, selon le calendrier, devraient se tenir l’année prochaine. Son principal concurrent est un autre élu du PHTK… Cette rencontre avec JF m’aura mis tout de suite dans le bain.

Car, je ne m'attendais pas à ce que mes observations commencent dès l'aéroport de Paris. Je pensais qu'elles débuteraient sur le sol haïtien, où il me serait donné, après l'atterrissage de l'avion, d'observer le comportement des employés de l’aéroport Toussaint Louverture. Après des heures interminables de vol, mon avion est enfin arrivé à Port-au-Prince. Malgré le retard habituel d’Air Caraïbes, le voyage passé en compagnie de jolies et jeunes hôtesses de l'air, a été agréable.

Alors que nous nous trouvons dans la queue qui mène au contrôle de police ; soudain, mon ami J.F me dit : « Attends, je connais quelqu’un qui pourra nous faire passer rapidement ». Franchement, je ne voyais pas l’intérêt de passer avant les autres passagers qui nous précédaient. La personne en question étant absente, un de ses collègues le remplace. Sans aucune gêne, au vu et au su de tous, et en doublant tous les autres; - comme dans un film sur une république bananière, - il nous demande de le suivre. Il prend nos passeports et les emmène à l’agent de police des frontières, qui appose le sceau d’entrée et sa signature sans poser de question. En tant que subversif supposé, j’ai franchi sans encombre l’obstacle appréhendé. Mon ami lui refile deux billets de 250 gourdes pour le service rendu. Pas de conflit, chacun reçoit sa part : un billet pour l'employé, l’autre pour l’agent de police. Le temps  gagné dans la queue, sera perdu dans l’attente des bagages. Parce que là, on ne peut pas donner 250 gourdes pour avoir sa valise sortie de la soute avant les autres. Cependant, il reste que le fait d’avoir le possibilité de doubler les autres est un signe de pouvoir, de respect et d’autorité qui lui aura coûté 500 gourdes, soit environ 6 euros. Précisons que le salaire minimum journalier d’un ouvrier des usines est de 350 gourdes.

Puis, arrive  le moment de prendre le chariot pour les bagages, qui est payant en Haïti. Je n’avais pas de monnaie, mon ami J.F  paye  pour les deux. Mais, on a eu droit à un reçu pour un seul charriot. Le guichetier a un acolyte qui nous devance, prend le ticket, le  déchire  en deux. Et nous en tend une moitié à chacun. Et voilà comment un ticket devient deux tickets. Combien de 2 dollars U.S. ou des 135 gourdes de taxes détournées dans ce seul point de chariot existant à l’aéroport ? Cela ne dérange en rien mon ami. Pour lui, c’est le mode de fonctionnement par la corruption en vigueur en Haïti que  personne n’ose changer ! Une fois  mes valises posées sur le chariot, un autre type s'impose pour m'aider à le trainer en  le tenant par un des côtés. J'ai eu beau refuser catégoriquement, le type sans dire un mot, s'incruste et refuse de lâcher le chariot. En fait, davantage préoccupé par la rencontre avec ma sœur, qui devait venir me chercher, et à qui j’avais demandé de prendre des dispositions pour assurer ma sécurité à l’aéroport, je n’ai plus fait attention à lui.

Après avoir passé mes bagages au scanner, l'agent de la douane décide de fouiller la valise contenant les articles achetés pour l’école. Le contenu ressemblait, il est vrai, à de la marchandise destinée à la revente. Il pensait sûrement à un arrangement, à se faire une petite commission. Je lui ai expliqué  calmement qu'il s'agissait de dons pour des enfants d’une école. Je suscite le doute dans sa tête. Je pourrais être un zotobwe haïtien d’une ONG venant de France et ayant des relations avec le pouvoir. Je n’étais donc pas le bon pigeon ! Il prend la décision d'abandonner le contrôle et de ne pas fouiller la mallette.

 Ma sœur m’attendait à la sortie, accompagnée de son ami W, quelqu’un de la police, m’avait-elle dit au téléphone. Selon elle, plus sécurisant que mon cousin de la police que je lui avais conseillé. W a environ une quarantaine d’années, costaud  et musclé, tout comme  un inspecteur de police français. Un colt 45 mm dans la poche avant droit de son jeans. Après l'échange des salutations d'usage, nous nous dirigeons vers la voiture. C’est alors que je m’aperçois que le gars, pendant tout ce temps là, était resté accroché à mon chariot. Je finis par lui tendre l'un des deux billets de 250 gourdes que mon ami JF m'avait donnés pour pallier à d'éventuelles petites dépenses en attendant de changer mes dollars.

 

Haïti, une prison en plein air

 

J'étais un peu désorienté alors que W parcourait les rues de Delmas et de Port-au-Prince, pour arriver  dans l’impasse Eléazar de l’avenue Christophe, à 30 mètres de la faculté des sciences humaines où habite ma sœur. Dans cette impasse de la rue Eléazar, se trouve une église évangélique du même nom «  Eléazar ». Les fidèles font du bruit toute la journée du matin au soir et aussi pratiquement toutes les nuits. Mais ce tintamarre - la nuit et le jour, des églises évangélistes - est partout. Quand ces églises n'organisent pas de veilles de nuit, dès  quatre et cinq heures du matin, elles sont déjà à pied d'œuvre – et sans que personne ne  manifeste de contestation contre cet envahissement sonore. Les citoyens n'ont pas droit au sommeil, c’est devenu un fait social naturel. Pour autant, les temples protestants ne sont pas les seuls à troubler le sommeil de la population avec  leurs décibels. Dans plusieurs endroits à Port-au-Prince et particulièrement à Delmas et Pétion-Ville, des bars-restaurants dansants ou pas montent à fond la caisse le volume de leurs appareils Hifi. Et ceci, alors qu'ils sont souvent  situés à proximité des hôtels où séjournent des étrangers, - comme l’hôtel Oasis, construit en grande partie avec l’argent de la reconstruction post-séisme,  et qui sert de deuxième maison à certains membres du gouvernement. Des élus, des fonctionnaires et leurs amis y sont logés régulièrement aux frais de la République, m’a expliqué un habitant de Pétion-Ville.

La Faculté  ressemble à un endroit abandonné depuis longtemps, et qui pourrait servir comme décor pour une fiction dont le titre serait, par exemple « Haïti 2050 ! » Elle me fait penser au film : New York 1999. « Une faculté privée ? », ai-je demandé à ma sœur. « Non, de l’Etat ! »  répond-elle.  W se dirige devant le portail pour faire demi-tour dans la cour de la faculté. Les agents de sécurité armés lui ouvrent la barrière comme si de rien n’était. Plus tard, il m’apprendra qu’il a l’habitude de faire des roulements avec eux. Faire un tour dès le lendemain à l’intérieur de la faculté devient prioritaire pour moi. Mais, ma première impression : je compare Port-au-Prince et ses banlieues à une grande prison en plein air où chaque maison appartenant à la classe moyenne constitue une cellule. Pour entrer chez elle, ma sœur a dû ouvrir deux barrières cadenassées, munies d’une grosse chaine et deux portes avec serrures fermées à clefs pour enfin arriver dans le séjour. Obligation de refermer toutes les barrières et portes derrière soi. Que pourrait-on dire des maisons des bidonvilles qui ne disposent d’aucune protection ? Des sacrifiés aux voleurs et criminels? Comme si on leur disait : « Ne venez pas chez nous. Attaquez-vous aux pauvres comme vous. »

 

Carnet de voyage Deux semaines à Port-au-Prince  - Par Sergo Alexis  (1/3)

Haïti, une prison en plein air

 

J'étais un peu désorienté alors que W parcourait les rues de Delmas et de Port-au-Prince, pour arriver  dans l’impasse Eléazar de l’avenue Christophe, à 30 mètres de la faculté des sciences humaines où habite ma sœur. Dans cette impasse de la rue Eléazar, se trouve une église évangélique du même nom «  Eléazar ». Les fidèles font du bruit toute la journée du matin au soir et aussi pratiquement toutes les nuits. Mais ce tintamarre - la nuit et le jour, des églises évangélistes - est partout. Quand ces églises n'organisent pas de veilles de nuit, dès  quatre et cinq heures du matin, elles sont déjà à pied d'œuvre – et sans que personne ne  manifeste de contestation contre cet envahissement sonore. Les citoyens n'ont pas droit au sommeil, c’est devenu un fait social naturel. Pour autant, les temples protestants ne sont pas les seuls à troubler le sommeil de la population avec  leurs décibels. Dans plusieurs endroits à Port-au-Prince et particulièrement à Delmas et Pétion-Ville, des bars-restaurants dansants ou pas montent à fond la caisse le volume de leurs appareils Hifi. Et ceci, alors qu'ils sont souvent  situés à proximité des hôtels où séjournent des étrangers, - comme l’hôtel Oasis, construit en grande partie avec l’argent de la reconstruction post-séisme,  et qui sert de deuxième maison à certains membres du gouvernement. Des élus, des fonctionnaires et leurs amis y sont logés régulièrement aux frais de la République, m’a expliqué un habitant de Pétion-Ville.

La Faculté  ressemble à un endroit abandonné depuis longtemps, et qui pourrait servir comme décor pour une fiction dont le titre serait, par exemple « Haïti 2050 ! » Elle me fait penser au film : New York 1999. « Une faculté privée ? », ai-je demandé à ma sœur. « Non, de l’Etat ! »  répond-elle.  W se dirige devant le portail pour faire demi-tour dans la cour de la faculté. Les agents de sécurité armés lui ouvrent la barrière comme si de rien n’était. Plus tard, il m’apprendra qu’il a l’habitude de faire des roulements avec eux. Faire un tour dès le lendemain à l’intérieur de la faculté devient prioritaire pour moi. Mais, ma première impression : je compare Port-au-Prince et ses banlieues à une grande prison en plein air où chaque maison appartenant à la classe moyenne constitue une cellule. Pour entrer chez elle, ma sœur a dû ouvrir deux barrières cadenassées, munies d’une grosse chaine et deux portes avec serrures fermées à clefs pour enfin arriver dans le séjour. Obligation de refermer toutes les barrières et portes derrière soi. Que pourrait-on dire des maisons des bidonvilles qui ne disposent d’aucune protection ? Des sacrifiés aux voleurs et criminels? Comme si on leur disait : « Ne venez pas chez nous. Attaquez-vous aux pauvres comme vous. »

Carnet de voyage Deux semaines à Port-au-Prince  - Par Sergo Alexis  (1/3)
Carnet de voyage Deux semaines à Port-au-Prince  - Par Sergo Alexis  (1/3)

 

 

La Faculté des sciences humaines

Saleté, médiocrité, incertitude, intimidation, violence et bluff

 

Aux environs de 10 heures, le lundi 11 juin, je fais un saut à la Faculté des sciences humaines. Je me présente aux agents de sécurité qui me font obligation de laisser une pièce d’identité à l’entrée. Je n’ai pas pensé à emmener mon portable pour prendre des photos. Les bâtiments principaux longeant les deux côtés de la cour sont sales et n’ont jamais été peints ni entretenus depuis des lustres. Certains bâtiments ont leurs murs recouverts de  graffitis de revendications et d'affiches d’organisations étudiantes.

Au fond de la cour, dans un coin, un professeur tient un cours de communication en plein air. Je reste quelques minutes à le suivre. Je suis reparti une fois que nos regards se sont croisés pour ne pas l’importuner. Je prends la direction du panneau indiquant le secrétariat. Je jette un regard  à l’intérieur du bureau. J'y vois cinq femmes, assises n’importe où et n’importe comment, en train de converser sans,  apparemment, la moindre tâche à exécuter. Je m’apprêtais à repartir lorsque l’une d’elles m’interpelle : « Monsieur, c’est pourquoi ? » Je lui réponds : « Pour rien. Je regardais juste comme ça ! Combien d’entres vous sont étudiantes ? » « Aucune », m’avoue-elle.

Je prends la direction de la cafétéria. Un vrai désastre ! Un très joli espace spacieux, avec un grand bar que l’on pourrait décorer et aménager pour les étudiants, se retrouve complètement abandonné : la porte d’entrée est fermée avec  chaîne et cadenas. A l'intérieur, des tables et chaises renversées, une tonne de poussière recouvrant l’ensemble.

Sur la galerie de la cafétéria, à une quinzaine de mètres du cours de communication, sept étudiants en sociologie et communication, assis sur les marches, discutent de tout et de rien. Le prof qui devait assurer le cours de l’anthropologie culturelle ne s'est pas manifesté. Je voulais discuter avec des étudiants. Je les ai à ma portée. Sans aucune réticence, ils ont accepté de m’écouter me demandant, néanmoins, de dire qui je suis. Je me présente en tant que quelqu’un qui vit en France, qui a fait des études, notamment en anthropologie. Mais qui exerce dans le domaine du bâtiment, le métier de peintre décorateur intérieur et extérieur. Je leur explique que cette cafétéria abandonnée, par exemple, avec très peu de moyens, je pourrais la transformer en une merveille pour le bonheur des étudiants. Les employées administratives parasites, que je viens de voir dans le bureau pourraient bien se rendre utiles en participant à cette rénovation et au fonctionnement. J'ai eu droit à une réponse choquante d'un étudiant, mais que j’ai l’habitude d’entendre dans le cadre d’Haïti : si vous voulez faire des changements, vous serez rapidement viré ou tué.

« Pourquoi faire des études à caractères littéraires au lieu des formations techniques ou manuelles ? Dans quoi comptez-vous travailler après ? » Leurs réponses : « D’abord les études de sociologie permettent de comprendre le monde. » Ce qui est vrai. « Quant à ce que l’on va faire après, on pourrait écrire, travailler à la radio, à la télévision, faire des cours, etc. ». Ils sont conscients des emplois précaires qu’ils risquent d’occuper dans ces domaines ; si par chance ils trouvent du travail. Mais pour eux, il y  a  peu de choix. Je pense aussi à ma nièce MA, lauréate de sa promotion des études d’infirmière ; mais qui est obligée de payer tous les stages qu’elle fait dans les cliniques et hôpitaux dans le cadre de ses études. Je pense à mon copain, G.H., professeur des écoles et des universités qui est obligé de travailler des heures infinies, 7 jours sur 7, pour pouvoir subvenir à ses besoins et vivre dignement.

« Mais faire des études techniques comme l’électricité, la plomberie, l’électronique, facilitent de trouver un patron et se mettre à son compte par la suite. » répliquai-je  « Oui mais, nous connaissons des gens qualifiés qui n’arrivent pas à trouver du travail dans le bâtiment. » Moi : « Il n’y a pas de mystère, les gars. Si l’on apprend son métier et l’applique dans les règles de l’art, on doit pouvoir travailler et gagner de l’argent. C’est vrai qu’il faut constituer un réseau, mais vous, vous manipulez bien les réseaux sociaux, il faut juste savoir se vendre et le bouche-à-oreilles fera le reste. » . C'est ce que j'ai tenté de leur faire comprendre. Avec un autre groupe d’étudiants assis sur le caniveau, que j’avais salué en entrant et promis de revenir discuter avec eux, j’ai eu la même discussion. Est-ce qu’ils sont convaincus ? Rien n’est moins sûr ! Car en Haïti, le travail manuel est souvent dévalorisé par une catégorie de personnes. A mon avis parce qu'il n'existe pas de filières techniques dans le cursus académique. Rappelons que l'ensemble des établissements d'enseignement technique créés par Dumarsais Estimé ont été supprimés par le dictateur F. Duvalier.

 

Deux jours plus tard, je sors  fumer une cigarette derrière le portail enchainé de chez ma sœur ; mais aussi discuter avec des jeunes qui entrent et sortent de la Fac. Un étudiant se trouve en grands pourparlers avec deux agents de sécurité qui lui interdisent l’accès à la Fac. Entre temps, je fais deux photos de l’enseigne de la faculté en m’assurant que les agents de sécurité me voient bien les prendre. Mon intention était de les défier, afin de voir leurs réactions,  vu que je suis un peu provocateur et curieux. Ils se manifestent instantanément. « Monsieur vous n’avez pas le droit de nous prendre en photo », me dit le plus excité des deux. « Oui ! » Ma réponse est directe : « Je connais la limite de mes droits. J’ai juste fait une photo de l’enseigne de la Fac. Il n’est pas interdit de la faire. » « Vous pouvez rester derrière votre barrière, me dit-il, en faisant des vidéos et nous prendre en photo, et dire ce que vous voulez. Mais sortez ! », rétorque-t-il sur un ton autoritaire. Et moi de lui répondre : « Et vous, vous croyez avoir tellement de pouvoir que vous vous permettez de me faire des menaces. Je peux vous démontrer immédiatement que vous n’avez aucun pouvoir ! » La mayonnaise a pris. Le type s’est tu sur le champ.

Une demi-heure après, quand les choses se sont calmées, je décide de sortir dans la rue. Depuis enfant, j’ai toujours aimé affronter l’interdit, le pouvoir autoritaire. Cependant, je voulais aussi comprendre la teneur du conflit  entre l’étudiant et les agents de sécurité, qui se lançaient des  menaces de mort à qui mieux-mieux. Je me dirige tout droit vers celui qui a voulu m’intimider. Je lui montre la photo de l’enseigne que j’avais prise. Pour l’étudiant, il me raconte que celui-ci voulait entrer de force, alors  que la présentation de la carte d’identité est obligatoire. Il a été seulement retenu. L’étudiant dément, si l’un l’a vraiment retenu mais un autre l'a frappé. Entre temps, l’autre agent, celui qui l'aurait frappé, continue à proférer des menaces.

Je prends l’étudiant en aparté et lui demande s’il y a des mouvements politiques ou de revendications quelconques auxquels il participerait,  ce qui ferait de lui  une cible des agents de sécurité. Il n’y a rien de tout cela à la Fac. « Mais alors pourquoi la violence ? » Il m’explique qu’il a l’habitude de présenter sa carte d’identité aux agents de sécurité.  Mais aujourd’hui, ils jouent à l’intéressant et au gwo ponyèt parce qu’il l’a oublié sa pièce. Je lui fais comprendre que cela ne vaut pas la peine d’utiliser la violence. Et, pour détendre l'atmosphère, que j’étais prêt à lui faire le cours sur la population auquel il devait assister, au lieu d’avoir à affronter les types de la sécurité. L’incident qui n’avait aucune raison d’avoir lieu et qui aurait pu faire des victimes est clos.

Malgré tout, j’étais inquiet à l’idée de retourner à l’intérieur pour faire des photos après mon altercation avec les agents de sécurité. J’en ai parlé à W le lendemain. Il me demande de le suivre et me présente aux agents comme étant son frère, et leur dit sans détours que je vais faire quelques photos à l’intérieur de la Fac. Sans autre commentaire ! Les agents de sécurité savent qu’il est « chef »,  mais personne ne connait la dimension de son pouvoir puisqu’il est toujours en civil.

 

A SUIVRE

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