Population et Pollution à Port-au-Prince
Les transports publics, les 4X4, les marchands, les sachets et bouteilles en plastique, la débrouillardise
De Carrefour à Port-au-Prince, de Delmas à Pétion-Ville en passant par Carrefour-Feuilles, Canapé Vert et Turgeau, des marchandes de toutes sortes de produits étalent leurs commerces sur les maigres trottoirs, laissant à désirer de Port-au-Prince. Un ami m’a dit qu’il existe plus de marchands que d’acheteurs. Certains, comme en bas de la ville, à quelques centaines de mètres du Palais national, (rue Pavée, rue des Miracles et la rue Traversière, etc.) posent leurs étalages, en plein sur la chaussée réservée à la circulation des véhicules. Une chaussée encombrée d’immondices, de sacs plastiques, de marres d’eau usée,... Ou, comme au grand marché des rues de Pétion-Ville, les bacs de marchandises sont placés à même le sol, pratiquement, là aussi, en plein milieu des rues, tout juste dans les roues et les pots d’échappement des véhicules.
Dans leur majorité, camionnettes, bus ou taxis en circulation sont dans un état de délabrement à peine croyable. Ils pourraient aussi servir de décor dans le film « Haïti 2050 ». Toutes les strates confondues des masses populaires les empruntent régulièrement. J’y ai souvent entendu des discussions et moqueries sur Jovenel que l’on considère comme laid, maigre et négligé à la différence de son épouse perçue comme une belle femme. Pourtant, en comparant les deux, selon les critères occidentaux, ce serait plutôt le contraire. Dans les discussions politiques entre les passagers, le nom du Premier ministre n'est jamais cité. On ne parle que de Jovenel, considéré comme un beau parleur, un menteur que l’on ne prend pas au sérieux. Chacun se débrouille comme il peut. Ici ce sont des petits revendeurs de sachets d’eau qui traversent les marchés et les villes pour les vendre. Là, il y a ce monsieur qui vend, entre autres, un comprimé pour les douleurs naturelles et surnaturelles. Cet homme qui passe tous les matins et presqu’à la même heure près de chez ma cousine où j’ai aussi séjourné à Delmas 75, chantonne : « Vye invètè, vye batri m achte yo ». Je demande à HM comment ils font pour transporter ces engins lourds après. Il m’explique qu’il existe un système avec une corde. J’ai pensé tout de suite au western que je regardais quand j’étais enfant : Django prépare ton cercueil où le personnage Django trainait derrière lui un cercueil au moyen d’une corde.
Des véhicules de police sont aussi dans ce même état de délabrement : sans éclairage, sans feux de signalisation à l’avant comme à l’arrière, souvent sans rétroviseurs et la carrosserie fortement endommagée. Cela ne dérange personne !
Tous ces véhicules publics, les 4X4, les motos-taxis, les poids lourds de tous genres dégagent en masse et régulièrement des gaz sales des moteurs qui polluent l’atmosphère. La gestion des immondices – que l’on brûle souvent au milieu des cours des maisons et des routes, j’ai vu un de ces feux à Delmas 31 – le déversement des déchets, les bouteilles en plastique, des assiettes en polystyrènes, mais surtout les petits sachets en plastique qui permettent de vendre l’eau traitée à bas coût ; ajouter à cela la poussière, frappent en plein poumons toute la population haïtienne. Et davantage les commerçants et petits marchands soumis à ce régime toute la journée. Pour ma part, à chaque fois que je mettais les pieds dehors pour marcher ou pour emprunter un des transports publics, j'ai ressenti très fortement ces saletés pénétrer mes poumons. Le soir, quand je me douche, une eau très sale coule de mon corps. Durant mon séjour, pas une seule personne ne s'est plainte devant moi de cette situation catastrophique. Cette situation devient des faits sociaux totaux naturels pour presque l’ensemble des Haïtiens qui n’ont encore jamais voyagé à l’étranger.
Quant aux petits sachets en plastique de 200 ml d’eau traitée - consommée par les masses populaires, car par chers : 3 pour 5 gourdes, et vendus par les plus pauvres - et autres objets en plastique, ils seraient fabriqués par une entreprise chinoise installée en Haïti. Des gens racontent que, faute d’énergie électrique disponible, pas mal de ces sachets d’eau seraient mis au frais dans des morgues pour les rafraichir avant de les mettre sur le marché. Une chose est certaine, à deux reprises, après avoir bu de cette eau, m'est restée l'impression désagréable d'avoir un produit gras sur les lèvres.
On dit que depuis l’arrivée du choléra, les gens ne boivent plus l’eau du robinet qui ne serait plus potable. En tout cas, durant les deux semaines de mon séjour en Haïti, Je n'ai vu nulle part dans mes déplacements, pas une seule fois un robinet d'où coulait l’eau venant de la compagnie des eaux. L’eau qui coule des robinets provient des réserves personnelles. C’est une denrée rare. Ceux qui ont les moyens (classes moyennes et bourgeoisie) gardent l’eau de pluie dans des réservoirs pour les besoins domestiques, les camions citernes d’eau qu’ils achètent et l’eau du robinet quand elle arrive dans les foyers. Les plus démunis se contentent des quelques rares fontaines ou des bokit d’eau achetés à des marchands ambulants.
Quant aux petits sachets en plastique de 200 ml d’eau traitée - consommée par les masses populaires, car par chers : 3 pour 5 gourdes, et vendus par les plus pauvres - et autres objets en plastique, ils seraient fabriqués par une entreprise chinoise installée en Haïti. Des gens racontent que, faute d’énergie électrique disponible, pas mal de ces sachets d’eau seraient mis au frais dans des morgues pour les rafraichir avant de les mettre sur le marché. Une chose est certaine, à deux reprises, après avoir bu de cette eau, m'est restée l'impression désagréable d'avoir un produit gras sur les lèvres.
On dit que depuis l’arrivée du choléra, les gens ne boivent plus l’eau du robinet qui ne serait plus potable. En tout cas, durant les deux semaines de mon séjour en Haïti, Je n'ai vu nulle part dans mes déplacements, pas une seule fois un robinet d'où coulait l’eau venant de la compagnie des eaux. L’eau qui coule des robinets provient des réserves personnelles. C’est une denrée rare. Ceux qui ont les moyens (classes moyennes et bourgeoisie) gardent l’eau de pluie dans des réservoirs pour les besoins domestiques, les camions citernes d’eau qu’ils achètent et l’eau du robinet quand elle arrive dans les foyers. Les plus démunis se contentent des quelques rares fontaines ou des bokit d’eau achetés à des marchands ambulants.
Les enfants de l’école EME
L’intelligence, la joie, la relève, la déception
Quelques jours après mon arrivée à Port-au-Prince, les écoles primaires s’apprêtaient à fermer leurs portes pour les grandes vacances scolaires. Faute de moyen de locomotion, il m'aura fallu attendre le dernier jour, celui de la fermeture des classes, pour rencontrer les enfants avec lesquels je tenais absolument discuter et à leur distribuer le matériel de dessin offert pour qu'ils puissent l'utiliser durant les vacances. Madame Johanne, comme l’appellent les enfants, regroupe tout le monde dans une seule classe. De charmants enfants. Le dialogue porte sur leur âge, leur connaissance de la lecture, de la langue française, etc. Les enfants s’expriment plutôt bien en français. Les madames (les maîtresses) ont bien travaillé avec le peu de moyens dont elles disposent. Elles peuvent être fières de leur travail !
Dans l’un des livres de contes que j’avais apportés pour en faire cadeau à la direction, je leur ai lu une histoire féerique, en créole et en français. Ils m’écoutaient en silence et avec attention. Mais, néanmoins impatients de recevoir les cadeaux. Certains parents attendaient eux aussi avec impatience leurs enfants car, depuis déjà un bon moment, la classe était terminée. La distribution est faite, les enfants dont les parents étaient en retard ont eu droit de s’amuser avec les cahiers de dessin, les feutres, crayons en couleur, gommes et taille-crayons offerts. La plupart d’entre eux respectaient scrupuleusement les tracés géométriques des dessins. Malgré la faiblesse de l’éducation nationale, ces enfants sont la preuve qu’il existe du potentiel pour assurer la relève. Mais la société haïtienne laisse une chance très réduite pour la réussite des enfants des milieux populaires ; et l’environnement sociétal est de plus en plus touché par des pratiques déviantes, auxquelles les enfants auront tendance à s’identifier.
Dans deux jours, c’est la graduation, des plus grands, de la troisième année fondamentale. Une grande fête culturelle qui a nécessité une longue et minutieuse préparation dont la construction d’un podium et la pose d’un chapiteau, sans compter la décoration au fond rose. Le thème de cette année c’est l’amour. Les acteurs sont uniquement les enfants. Tous ont eu un rôle à jouer : théâtre, chanson, danse et discours. Ils ont étonnamment rempli les tâches qu’ils avaient à exécuter. Et parfois même trop bien ! On le verra. Les enfants savent parfaitement lire. Les parents de ce quartier populaire sont visiblement satisfaits d’avoir confié leurs enfants à cette école laïque, construite avec des dons d’institutions étrangères, et dirigée par une famille chrétienne protestante dont les hommes, en commençant par mon oncle Hortan Alexis, sont pasteurs de père en fils. Le plus jeune pasteur est de la troisième génération.
Ce moment que j’ai passé avec les enfants m’a apporté la plus grande joie de mon séjour en Haïti. Mais aussi la plus grande déception. Lors des séances de danse, les enfants, pour leur âge, 8 ans, ont parfaitement exécuté les chorégraphies. La qualité de leurs prestations m'a surpris. J’ai été néanmoins très déçu de voir les fillettes pratiquer des séquences de gouyad sur la chanson de Kassav : zouk la se sèl medikaman nou ni, à l’instant même où M. Jovenel Moise était sèchement critiqué pour avoir offert une voiture à deux enfants pour une démonstration similaire. Je ne comprenais pas que ma cousine, tellement pudique, qui n’aurait jamais dansé de cette manière, même en privé devant les gens, puisse accepter ce geste obscène dans la chorégraphie de jeunes enfants. Je lui ai posé la question. Selon Madame Johanne, toutes les écoles le font et la danse, c’est une attente des parents qui ont vivement applaudi la prestation, il est vrai. « Mais les gouyad, tu aurais pu les éviter, lui dis-je, en tant qu’établissement dirigé par des chrétiens ? » Elle le reconnaît. Ce que je déduis dans cette affaire, c’est que l’obscénité est institutionnalisée depuis quelque temps et devient un fait social total, où tout le monde y compris les parents, sont pris dans cet engrenage de stupidité et souvent sans se rendre compte. Et le pire, savoir réaliser ces gouyad dans les règles, devient une valeur artistique recherchée en Haïti. C’est assurément, dans ce contexte d'approbation populaire, que le président paternaliste a choisi d'offrir une voiture à la petite fille de six ans qui gesticulait du bounda en sa présence et celle de son épouse.
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