QUELQUES LEÇONS À TIRER
Cet audit ne surprend malheureusement pas. Il ne fait que confirmer et étayer les deux rapports de commissions sénatoriales réalisés en 2016 et en 2017, qui mettaient déjà en évidence les irrégularités dans la gestion du fonds. Et ce à l’encontre d’un audit de 2013 mené par le partenaire vénézuélien, prétendument positif, mais qui n’a jamais été rendu public. Issu d’une institution moins directement politisée, le rapport du CSCCA souligne l’étendue du scandale. Et un échec où se confondent le gaspillage, la corruption et la politique économique poursuivie.
Outre le directeur du BMPAD, Michel Lecorps, sont directement mis en cause dans cet audit les présidents et six premiers ministres qui se sont succédé au pouvoir depuis 2008, ainsi que les ministres membres du CA du BMPAD, nombre de fonctionnaires et de chefs d’entreprises. C’est bien un système qui est dénoncé ici. Un système auquel appartient l’actuel président, Jovenel Moïse. Celui-ci est mis en cause à travers deux sociétés dont il était PDG : Comphener S.A. et Agritrans.
La première est une entreprise qui a bénéficié du fonds pour le programme d’installation de lampadaires solaires. Le contrat a été passé sans l’approbation de la CSCCA ni l’obtention (obligatoire pourtant) du certificat de non-objection de la Commission nationale des marchés publics (CNMP). Plus problématique encore pour Jovenel Moïse est la mise en cause d’Agritrans (pages 129 et suivantes). D’une part, parce qu’il s’agit de la « vitrine » du président, comme homme d’affaires à succès. D’autre part, parce qu’on s’explique mal comment une société productrice de bananes a pu être choisie pour réhabiliter une route. Enfin, parce que les irrégularités sont nombreuses et évidentes, allant jusqu’à une confusion (entretenue ?) sur la devise utilisée (gourdes ou dollars).
Une autre leçon, moins spectaculaire mais plus stratégique, doit être tirée de ce rapport. L’usage et la mise à profit de l’état d’urgence. Celui-ci a été décrété le 21 avril 2010 pour une période de dix-huit mois (il prend fin au cours du mois d’octobre 2011), puis à nouveau, le 9 août 2012, pour un mois, et encore, au cours du mois d’octobre 2015, dans six départements. Or, comme le remarque sobrement l’audit : « la principale caractéristique du recours à l’état d’urgence est qu’elle permet aux gouvernements de déroger aux normes en application » (page 31).
Nous avions en son temps signalé que tout état d’urgence est un état d’exception, qui suspend les règles ordinaires, permettant et justifiant le recours à des pratiques extraordinaires, d’autant plus problématiques dans un État où les contre-pouvoirs populaires sont faibles [5]. Le commentaire de l’audit relatif au MTPTEC, à savoir « que le ministère a simplement profité de la situation créée par le séisme du 12 janvier 2010 » et du « cadre des dispositions de l’état d’urgence » (page 106) doit être généralisé : l’urgence est fonctionnelle par rapport aux objectifs et à la manière de gouverner de la classe dominante.
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