RACINES SOCIO-ÉCONOMIQUES
À y regarder plus près cependant, force est de constater que le réveil social est plus profond et qu’il remonte à plus loin. Ainsi, en 2017, les ouvriers des usines de sous-traitance avaient, à plusieurs reprises, manifesté en masse pour réclamer une hausse du salaire minimum, et le vote du budget 2017-2018 avait fait descendre dans la rue des milliers de personnes [6]. De plus, l’annonce de l’augmentation du prix de l’essence, qui résultait du dernier accord avec le Fonds monétaire international (FMI), avait provoqué trois jours d’émeutes début juillet, causant la mort de vingt personnes, avant que le gouvernement ne revienne sur sa décision.
Évidemment, cette effervescence sociale trouve ses racines dans les conditions socio-économiques. La pauvreté, qui touche près de 60% de la population, l’insécurité alimentaire affectant plus de 40% des Haïtiens, la vie chère – d’autant plus chère avec la dépréciation de la monnaie locale, l’inflation et la dépendance aux importations – s’aggravent objectivement, mais aussi subjectivement, au regard des inégalités, du mépris de la classe dirigeante et des multiples promesses non tenues du président Jovenel Moïse [7] .
Les recettes proposées pour sortir de la crise participent du problème, pas de la solution. Le cas du riz est emblématique. Élément incontournable du panier alimentaire haïtien, il est aujourd’hui très largement importé (à 80%), en provenance essentiellement des États-Unis (à plus de 90%). Pour faire baisser le prix du riz sur le marché local, le gouvernement cherche un arrangement avec les gros importateurs, et à importer plus de riz.
C’est ce qu’avaient déjà fait, en 2012, l’ancien premier ministre Laurent Lamothe, en signant un contrat d’importation avec le Vietnam, et le président René Préval, lors des émeutes de la faim en 2008. Mais cela revient à prolonger la politique d’importation menée depuis un quart de siècle, plus spécifiquement depuis 1995 quand les droits d’importation sur le riz ont baissé de 50 à 3% (le taux le plus bas de toute la région). Une politique qui a cassé la production locale et transformé Haïti, de pays quasi autosuffisant en nation dépendante et vulnérable [8].
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Haïti, le scandale du siècle (3) : le sens de la révolte - CETRI, Centre Tricontinental
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