Quand j'ai rencontré Zeïla à l'été 2015, elle avait 85 ans, quoiqu'elle n'aurait pu me le préciser ainsi. "Je ne sais pas quand je suis née", avait-elle dit, "mais c'était avant le Président Vincent". En Haïti, les adultes qui n'ont pas fréquenté l'école et qui n'ont jamais eu de certificat de naissance estiment souvent leur âge selon le président au pouvoir à l'époque. Sténio Vincent avait prêté serment le 18 novembre 1930, sous l'Occupation Américaine qui dura jusqu'en 1934.
Après que l'agent de la police locale Bébé eut incendié les maisons de la famille, nous raconta Zeïla, elle dit à sa mère, "je vais me rendre à Belle Anse. Je ne vais pas rester ici à attendre qu'ils reviennent me chercher. Je descends auprès de l'État". Les habitants des campagnes en Haïti utilisent ce mot de l'État, leta en créole, pour désigner tous ceux qui leur paraissent bien au-dessus des citoyens ordinaires, hommes ou femmes, du président au préposé des contributions ou à l'agent de police.
Bébé était leta dans une faible mesure. Il devait rendre compte au Lieutenant Louis Joseph, le commandant militaire, à Belle Anse, au chef-lieu de la commune. Plus puissant encore que le Commandant Louis, ainsi qu'on l'appelait, était André Simon, député au parlement, désigné par Duvalier pour être son représentant personnel dans la zone.
Un jeune Duvalier et le passé oublié d'Haïti
Le 10 novembre 2018, Nicolas Duvalier, 35 ans, le fils de "Baby Doc" et petit-fils de "Papa Doc", responsables à eux deux d'avoir maintenu Haïti pendant trois décennies sous un régime autoritai...
https://nacla.org/news/2019/02/12/un-jeune-duvalier-et-le-pass%C3%A9-oubli%C3%A9-d%27ha%C3%AFti
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