...et en premier lieu sur le terrain de la démocratie, car s’il bascule dans la barbarie et la guerre civile, nous serons tous responsables d’avoir laissé la terreur et la peur nous gouverner, ou tout simplement d’avoir détourné le regard.
Dimanche dernier, un de nos contributeurs réguliers, le sociologue Eric Fassin, publiait un billet de blog inquiétant (à lire ici) sur les menaces dont il fait l’objet sur Twitter de la part de la mouvance néonazie. « Je suis professeur. Le 16 octobre, un professeur est décapité. Le lendemain, je reçois cette menace sur Twitter : “Je vous ai mis sur ma liste des connards à décapiter pour le jour où ça pétera. Cette liste est longue mais patience : vous y passerez“ ». Loin de vouloir faire de lui une victime, il explique alors comment l’offensive contre les musulmans, en réaction aux attaques terroristes, prolongée par les accusations folles contre la pensée critique, taxée d’ « islamo-gauchisme », a donné un blanc-seing aux offenses d’extrême droite et ouvert une brèche à la remise en cause des libertés académiques.
Depuis cette publication, la sidération produite par les attentats terroristes islamistes et la prolifération des fanatismes identitaires, semble se dissiper. Dans le Club (ici un billet de Seloua Luste Boulbina et là une tribune des Invités de Mediapart), mais aussi dansLibé et plus collectivement encore, dans Le Monde, etc) plusieurs universitaires ont relevé le défi de répondre aux injures et défendre… leur liberté d’expression !
Pour prolonger la contribution de celui qui a ouvert le bal de cette riposte et prendre de ses nouvelles (tout simplement !) nous lui avons passé un coup de fil. Entretien avec Eric Fassin, sociologue, professeur à l'Université Paris 8.
- Désolée pour cette question triviale, comment allez-vous ? Les menaces ont-elles cessé ? Les avez-vous signalées à Pharos ? Et de manière générale, êtes-vous inquiet pour votre sécurité ?
Qui peut aller très bien dans un monde qui va mal ? Mais je ne suis pas à plaindre, j’en ai bien conscience. Les insultes continuent ; pour l’instant, les menaces, sont moins ouvertes. Je les signale désormais. La police, qui a recueilli ma plainte, prend au sérieux la risque d’un terrorisme d’extrême droite. Mais il ne s’agit pas seulement de moi. J’ai voulu parler à la première personne du singulier d’une situation qu’il faut penser à la première personne du pluriel : « nous ».
Beaucoup de gens sont menacés, pour ce qu’ils font (comme moi), ou pour ce qu’ils sont (les minorités). La violence politique enfle avec la montée d’un néofascisme et la dérive d’un néolibéralisme autoritaire. Quand on compare le climat politique de 2020 avec celui de 2000, ou même de 2010, on est bien obligé de constater que la dégradation s’accélère. Et l’on se demande forcément : où en serons-nous dans 10 ou 20 ans ? Et même dès 2022 ?
- Pensez-vous prendre vos distances par rapport aux réseaux sociaux (ou du moins repenser votre usage) ?
Non, pas du tout. Les menaces visent à intimider. Je refuse de donner satisfaction à ceux qui les lancent. Ce qui m’a valu d’être promis à la décapitation, c’est justement le titre du billet de blog que j’avais retweeté : « Nous ne saurions vouloir ce que veulent nos ennemis » Si nous faisons ce que les terroristes désirent que nous fassions, nous les encourageons.
Il en va de même des néofascistes : s’ils veulent nous réduire au silence, parlons haut et fort. Pour autant, je n’ai toujours pas l’intention de parler leur langue, celle des insultes et des menaces. Mais je ne vais pas renoncer à dire, par exemple, que la moitié des électeurs aux États-Unis ont voté, en connaissance de cause, pour un président fasciste – même si les insultes en retour tentent de m’en décourager.
SUITE dans le lien :
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Hebdo #91: être debout avec... Eric Fassin!
Le monde est sans dessus dessous, au bord de l'abîme, nous ne pouvons pas nous permettre de nous réfugier dans nos jardins secrets. Dimanche dernier, le sociologue Eric Fassin publiait un billet de
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