219 ans après son indépendance, Haïti se retrouve à errer comme un fossile anthropologique, dans une lente érosion de dignité collective, sans stratégie de cohésion sociale, sans leadership politique compétent, sans projet économique flamboyant. Mais, pouvait-il en être autrement quand la culture et le savoir ont, par malice et indignité, laissé la médiocrité mettre l’intelligence en déroute ?
Nous partons du postulat que l’errance haïtienne, dans son segment historique, situé entre l’indépendance, proclamée en 1804 par les marrons de la liberté, et l’indigence, assumée en 2022 par les marrons de l’indignité, n’est qu’un prolongement de la géostratégie de la déshumanisation, connue sous le nom de la traite des esclaves, qui a fait la gloire et la richesse des puissances occidentales, notamment européennes et nord-américaines.
Le dissensus fractal
Ceci étant posé, nous assumons qu’il y a une flagrante insignifiance dans une certaine pensée qui veut sensibiliser la communauté internationale à modifier son approche dans la problématique du gangstérisme institutionnel qui a achevé de stratifier la société haïtienne pour mieux structurer l’errance séculaire du peuple haïtien. Vu l’évidence de cette dynamique, seuls ceux qui sont analytiquement impuissants et insignifiants peuvent ne pas comprendre que le gangstérisme d’état, institutionnalisé par les CLINTON, l’OEA et l’ONU en Haïti, n’est que le modèle d’affaires sur lequel repose la gouvernance publique haïtienne depuis le fameux slogan Haiti is open for (Drug, Crime and Human Trafic) business. Slogan du banditisme légal assumé et repris, avec ferveur en décembre 2015, par le président de la Chambre de Commerce Haïtiano Américaine (HAMCHAM) qui avait fait l’apologie de la culture des mauvais arrangements, lors de l’impasse politique causée par les élections frauduleuses de 2015, en incitant les acteurs étatiques et non étatiques haïtiens à ne plus perdre le temps de rechercher et de trouver des solutions de justice, trop longues et trop coûteuses.
De ce fait, une telle insignifiance, provenant d'une personne aussi avisée que Madame Michaëlle Jean, parait très grave à la lumière des faits du réel problématique haïtien. Pourtant, en dépit de sa gravité, cette insignifiance n’est guère étonnante. Bien au contraire, elle est même intelligible puisqu’elle provient des milieux culturels, économiques, académiques et médiatiques qui, pour leurs succès personnels, ont appris à vivre, dès le lendemain de l’indépendance, dans les rêves blancs d’ailleurs. D’où leur indifférence, leur insouciance, leurs irresponsabilités et/ou leur inconscience dans leur prise de position et dans les alliances qu’ils nouent et les accointances qu’ils développent avec les intérêts étrangers, alors même que tout le collectif haïtien agonise et dérive vers les abysses de l’indigence comme un fossile anthropologique.
Fort de ce constat, nous assumons le dissensus social en affirmant, de manière provocante, que c’est l’enfumage nauséabond, provenant du fumier foisonnant, alimentant le confort médiocre de ces milieux, qui a dérouté l’intelligence collective haïtienne. Pour mieux vivre tranquillement leur opulence indigente, ces milieux d’entre soi ont étouffé la pensée critique, obscurci l’horizon de la dignité nationale et réduit le champ des vibrations éthiques de la conscience collective. Dépourvus d’intelligence et incapables d’affronter les multiples incertitudes de l’écosystème, ils ont préféré trouver des consensus minoritaires pour échapper aux précarités en apprenant à vivre en transit sur le territoire en se projetant dans les rêves blancs d’ailleurs au lieu d’habiter le pays et de s’y enraciner dignement, responsablement et humainement. Ainsi, ils ont désappris à produire le coût cognitif et éthique nécessaire et indispensable quand il faut penser et agir avec intelligence à l’équilibre d’un possible humain dans la complexité du chaos qu’est la vie. En raison de leurs précarités humaines, il leur est plus facile de s’adapter à la routine confortable des légendes d’ailleurs et à la résilience que promeuvent les projets de l’assistance internationale. Car, en s’attachant à panser les maux de plus de deux siècles d’invariance plutôt que de penser au faisceau de causes qui les structurent, ils entretiennent les turbulences qui leur permettent d’émerger aux côtés de l’assistance internationale dans l’enfumage de cette performance paradoxalement défaillante.
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Haïti : Des racines de l'impuissance aux ailes de l'errance
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